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Sarah, alias Mazart : de la Sainte Victoire à l’encre de Chine

Sarah ELT Mazart

Sarah Maubert Mendez est aixoise, mais elle est aussi avocate fiscaliste et peintre. Une véritable artiste douée de ses 10 doigts, plus connue sous le pseudonyme @Mazart.

Sarah est ce que l’on peut appeler une slasheuse, une personne qui pratique plusieurs activités. Aujourd’hui, on peut à la fois travailler dans une banque et être professeur(e) de yoga ou encore être manager chez France Télévisions et diriger une troupe de théâtre. Saviez-vous d’ailleurs que slasheur ou encore slasheuse vient du mot « slash », la barre oblique qui se trouve sur le clavier de notre ordinateur ou de notre téléphone et qui se place ici et là entre diverses choses ? Certains appellent cela aussi du side hustle (ou side project) qui consiste à développer un projet, une passion lointaine ou en devenir dans laquelle on souhaite s’investir en parallèle de son métier officiel. #merciWelcometotheJungle.

Ste Victoire

Sarah dessine et peint depuis presque toujours mais cela fait vraiment 2 ans qu’elle partage sa passion.

Tout a commencé avec un homme barbu, un artiste impressionniste du XXème siècle, Cézanne, et sa fascination pour une montagne bien connue de notre région et dont je vous parle si souvent, la Sainte Victoire.

J’étais impatiente de vous présenter cette artiste pleine de talent. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que je la connais depuis mes 10 ans. Sarah est l’une de mes plus vieilles amies d’enfance et celle avec qui je partage (presque) chaque instant de ma vie. J’ai connu ses débuts en tant que @Mazart et je peux vous dire qu’elle en a parcouru du chemin depuis. Ensuite, et c’est sûrement la raison principale à cet interview, parce que j’adore son travail. Je suis très attachée à ma ville d’enfance, Aix en Provence, et chacune de ses toiles, m’en rappelle la beauté. Les touches de couleur apportent du mouvement et un caractère changeant à la toile comme si les paysages se métamorphosaient au gré du temps et selon le regard de celui ou celle qui les contemple. #mercilescoursd’histoiredel’art.

Je trouve également très inspirantes ces personnes qui composent leur vie d’activités complètement différentes. C’est génial, c’est rafraichissant et cela fait du bien à entendre. Comme quoi, tout n’est jamais totalement noir ou totalement blanc. Il y a un peu de rose, un peu de bleu et de jaune aussi. La vie, c’est comme un tableau. Ou plutôt des tableaux.

Je retrouve Sarah à la terrasse du Café du Temps, place des Tanneurs. Aujourd’hui, il y a un peu de vent. Pour un début de mois de juin, il fait un peu frais mais qu’importe, quand on vient du sud, le soleil est toujours synonyme de déjeuner en terrasse.

Mazart ELT
Mazart ELT
Mazart ELT

En préparant mes questions, je voulais que ce soit l’occasion de découvrir une autre Sarah que celle que je connais, une Sarah artiste qui me partagerait ce que la peinture représente pour elle et ses projets futurs.

Pourquoi Mazart ?

S.MM : Je ne voulais pas utiliser mon vrai nom, je voulais plutôt un pseudonyme pour garder une certaine forme d’anonymat. Et pourquoi Mazart ? Je voulais que mon pseudonyme rappelle à la fois Aix en Provence et mon nom de famille. Il y a un quartier assez connu qui s’appelle le quartier Mazarin. En l’associant avec le mot « Art », cela donnait Mazart. Je trouvais que cela sonnait bien.

Comment est venue ton envie de peindre ? A quel moment de ta vie ?

S.MM : J’ai toujours aimé peindre mais une chose m’empêchait de me lancer. C’est un peu particulier mais mon grand-père maternel peignait énormément et j’avais donc cette sensation d’être illégitime parce que c’était lui, le peintre de la famille. A sa mort, je me suis sentie plus libérée de peindre pour moi. C’était son héritage, ce qu’il me laissait de lui et que je pouvais enfin poursuivre. Mais je me suis surtout lancée, il y a deux ans, l’été où je préparais mon concours des avocats. Je recherchais quelque chose de thérapeutique pour me vider la tête et canaliser mon stress. Pour moi, il n’y a rien de plus thérapeutique que dessiner. Je peux y passer des heures. D’ailleurs, quand j’y pense, c’est peut-être grâce à la peinture que j’ai réussi ce concours. (sourire)

Pourquoi Cézanne ? Pourquoi la Sainte Victoire ? Que t’inspirent-ils ?

S.MM : Cette fascination que j’ai développée pour cette montagne m’est venue en quittant Aix. Je suis partie à Nice pour mon apprentissage et à chaque fois que je rentrais, je voyais au loin la Sainte Victoire qui se détachait des nuages. Et en la voyant, je savais que j’étais bientôt arrivée chez moi. Pareil, en arrivant à la gare TGV, elle se tient droite, face à nous. Elle nous accueille. Il me semble d’ailleurs que tu l’avais noté dans l’un de tes articles. Elle est tout simplement fascinante. Elle est posée là, comme sortant un peu de nulle part. Elle m’apaise énormément, je la trouve belle, même si je sais que ce n’est qu’une montagne. Je comprends que certains artistes, comme Cézanne, aient pu y consacrer toute une vie.

Et pourquoi Cézanne ? Pour commencer, il faut savoir que j’adore le bleu et le vert. J’ai découvert Cézanne assez jeune, son travail des couleurs m’a toujours beaucoup plu. L’an dernier, ils ont fait revenir trois tableaux de la Ste Victoire de Cézanne au Musée Granet dont ma préférée. J’ai ressenti beaucoup d’émotions et d’admiration pour cet artiste et pour cette montagne qu’il a su représenter tant de fois. Quand j’étais plus jeune, je me moquais un peu de ceux qui pouvaient se sentir transporter par la peinture mais quand on est touché(e) par une œuvre, c’est comme une évidence.

D’ailleurs, pour finir sur une anecdote, Cézanne a fait du droit. Cela nous rapproche d’une certaine manière. Mais contrairement à moi, il n’a pas continué dans cette voie, il s’est entièrement consacré à la peinture.

Mazart ELT
Mazart ELT

As-tu d’autres inspirations ?

S.MM : J’aime beaucoup d’autres artistes. Je suis pas mal de comptes Instagram autour de l’art et je suis abonnée à des revues artistiques qui présentent souvent de jeunes artistes plus contemporains. Ce que je fais est d’ailleurs beaucoup plus contemporain que classique. Il y a beaucoup de couleurs et c’est très graphique. Il y a une artiste française que j’ai découvert l’an dernier, Fabienne Verdier, que j’aime beaucoup. Elle a réalisé une expo sur la Ste Victoire cet hiver. Elle peint des œuvres monumentales avec un très grand pinceau qu’elle trempe dans l’encre et qu’elle fait bouger avec la seule force de ses bras (Fabienne Verdier explique que le pinceau est un prolongement de son corps qui est en captation d’informations, note de moi). Elle est très inspirante. J’aime également un artiste anglais Damien Hirst qui prépare actuellement une expo à Paris pour présenter sa série de peintures « Cherry Blossoms » (première expo en France qui se tiendra au printemps 2021 à la Fondation Cartier, note de moi). Sa façon de travailler est également très intéressante puisqu’il jette la peinture sur la toile à l’aide de son pinceau.  

Qu’est-ce que la peinture t’apporte au quotidien ?

S.MM : C’est thérapeutique. C’est un moyen de retrouver le calme, de m’exprimer différemment. Et pour cela, étrangement, j’ai besoin d’avoir un fond sonore, de la musique, une émission de radio ou un podcast. Mais le plus souvent, j’adore écouter Faites entrer l’accusé (rires).

Et tu n’as jamais eu envie de rapprocher ton métier et ta passion justement ? Droit et art ?

S.MM : Si c’est justement prévu. Je réfléchis à l’idée de faire, d’ici une dizaine d’années, un MBA Commerce de l’art pour réaliser des estimations d’œuvres. C’est très intéressant. Il y a à la fois une démarche juridique mais aussi artistique. On verra comment cela évolue, pour l’instant, j’aime ce que je fais.

Arrives-tu toujours à trouver une place pour la peinture dans ta vie ? N’est-ce pas trop difficile ?

S.MM : C’est assez périodique mais je ne trouve pas de la place, j’en ai besoin, donc je lui donne l’espace nécessaire. Je peins surtout lorsque je ressens des émotions fortes, positives ou négatives d’ailleurs.

En ce moment, je suis en plein déménagement donc j’ai moins de temps à y consacrer. Cela me manque mais je n’en ressens pas le besoin. Je ne me force jamais à peindre.

As-tu des projets pour la suite ? Nouvelles inspirations, collaborations, expos ?

S.MM : J’expose aujourd’hui à la boutique des musées à Aix en Provence et sur le site de Madder, une galerie en ligne. J’ai beaucoup d’idées mais je me suis rapidement rendue compte qu’on ne vient pas te chercher, c’est à toi d’aller toquer aux portes pour être exposé ou pour faire parler de ton travail. Si je ne l’avais pas fait, j’exposerais encore dans ma chambre.

Comment en es-tu sorti d’ailleurs (de ta chambre) ?

S.MM : J’ai commencé à montrer ce que je peignais à mon entourage et je postais certains de mes tableaux sur Instagram. Plusieurs personnes m’ont demandé d’où venaient les tableaux. J’ai vu que cela plaisait. C’est à ce moment que j’ai pensé à en faire plusieurs et à les proposer à une boutique à Aix pour les vendre aux touristes. On a toujours envie de repartir avec un souvenir et mes encres de la Ste Victoire rappellent la région et la ville. J’ai donc proposé à une première boutique puis une deuxième …

Cette année, j’ai également démarché une galerie en ligne, Madder, créé par deux sœurs françaises mais qui se trouvent à Londres.

Tiens, c’est drôle, il y a Anne-Laurence Petel, derrière toi, candidate à la mairie d’Aix, pour qui j’ai réalisé des cartes de vœux en début d’année. Voilà, j’ai pleins de petits projets comme celui-ci. Pourquoi pas contacter le Café du Temps qui expose certains artistes de temps en temps. Même si, je dois l’avouer, le droit me prend beaucoup de temps en ce moment. Je vais prêter serment en fin d’année.

Mazart ELT
Mazart ELT

Tu as commencé à peindre à l’encre de Chine. Utilises-tu d’autres techniques aujourd’hui ?

S.MM : Oui, beaucoup d’autres mais qui sèchent rapidement. Encre de Chine, acrylique, gouache … Cela dépend beaucoup des sujets. La peinture à l’huile met 3 à 4 mois à sécher ce qui nécessite beaucoup de temps. Sinon je travaille de temps en temps le fusain et l’aquarelle.

J’ai une autre amie qui peint à Paris mais qui n’arrive pas à vendre ses toiles. Elle y est trop attachée. Comment le vis tu ?

S.MM : Je comprends tout à fait. C’est difficile, je dois l’avouer. Il y a des œuvres que je vends plus cher exprès pour ne pas réussir à les vendre. C’est terrible de dire cela, je sais. Mais ce sont des toiles que tu as peintes, auxquelles tu as consacré du temps, une partie de toi et savoir que quelqu’un va les acheter, les mettre chez lui et peut-être à peine y prêter attention, c’est très difficile à vivre. Mais c’est mon choix. Les encres, par exemple, c’est plus facile car je mets moins de temps à les réaliser que d’autres tableaux.

Si tu devais nous parler d’un tableau parmi ceux que tu as réalisés, ce serait lequel ?

S.MM : Ah, mais quelle question difficile ! Ce serait sûrement une reproduction que j’ai faite d’un tableau de Picasso qui s’appelle Têtes de femmes et qui se trouve au Musée de la Méditerranée à Nice. Je fais rarement des reproductions mais j’adore les tons de ce tableau. Je l’ai peint au tout début de ma relation actuelle. Cette personne était très intéressée par le procédé de création et me posait beaucoup de questions. Je voulais qu’il soit d’autant plus réussi. Aujourd’hui, je vis avec cette personne et ce tableau est dans notre salon (sourire). Ce tableau nous rappelle beaucoup de choses. Il m’a surtout pris beaucoup de temps parce que je n’arrivais pas à obtenir le même rendu « brossé » que Picasso.

L’autre tableau dont je parlerais, c’est aussi une reproduction mais de Cézanne cette fois-ci. Rocher rouge, réalisé en 1895, 100 ans avant ma naissance et exposé au Musée de l’Orangerie, que j’ai fait encadrer pour mon anniversaire et auquel je tiens énormément.

Cézanne Mazart ELT

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui hésitent encore à se lancer dans un tel projet personnel ?

S.MM : Il faut le faire pour soi. C’est très important car c’est notre première motivation. Et surtout ne pas avoir peur de se lancer. Il y aura toujours des personnes pour critiquer, qui n’aimeront pas notre façon de faire ou de voir les choses mais cela ne doit pas nous arrêter. Le seul mauvais projet, c’est celui qu’on ne tente pas (On adore cette petite phrase philosophique bien placée). Il faut essayer, se lancer, il n’y a jamais de « bon moment » pour le faire. Avoir l’appui de ses proches, c’est encore mieux, c’est motivant. Notre seule limite, c’est nous-mêmes (On adore aussi, on note, cela pourrait servir pour sa biographie prochaine).

Merci Sarah pour ce bel échange et pour cette citation sur laquelle je ponctuerai cet interview :

« Seuls l’amour et l’art rendent l’existence tolérable » William Somerset

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